Il y a dix ans Paolo Dall’Oglio disparaissait

Le 29 juillet 2013, le Père Paolo Dall’Oglio sj est parti plaider la libération d’otages auprès de Daech, alias le groupe « état islamique », à Raqqa, tout au nord de la Syrie, région sous occupation djihadiste. Et ce contre l’avis de tous ses amis syriens qui jugeaient la démarche trop risquée. Et ils avaient raison. Dès son arrivée à Raqqa, les émissaires de Daech lui ont demandé d’éteindre son portable. Et depuis, plus aucune nouvelle. Toutes les conjectures restent ouvertes: le jésuite italien a-t-il été décapité dès son arrivée? Emprisonné? Echangé? Sans aucun indice crédible depuis 10 ans, les recherches ont été abandonnées par le gouvernement italien.

Paolo Dall’Oglio est une figure marquante en Syrie. En 1984, il a décidé de restaurer un monastère du désert syrien, Mar Moussa, ermitage datant du VIème siècle, dont l’église est entièrement décorée de fresques byzantines. Un trésor du patrimoine syrien.

Un phare dans la tempête

Le jésuite d’origine italienne, qui parlait un arabe et un dialecte syrien parfaits, a fait de ce monastère un haut lieu de rencontres. Chaque vendredi, jour de congé, des centaines de Syriens, mais aussi de touristes, gravissaient, et gravissent toujours, les 300 marches montant à Mar Moussa. Les trois règles de l’ordre religieux sont toujours appliquées: hospitalité abrahamique, travail, méditation. La communauté monastique s’est consacrée avec opiniâtreté au dialogue islamo-chrétien. Si fait que Mar Moussa est devenu, et est resté pendant tout le conflit, un phare dans la tempête syrienne.

Besoin d’aide concrète

En deuil de son fondateur, la communauté n’a pas changé son engagement. Elle reste mixte – elle est composée de cinq hommes et de quatre femmes, et est œcuménique (catholique, syriaque, orthodoxe). Elle est aujourd’hui répartie sur trois sites: le site originel en Syrie, en Irak à Suleymanyie, en Italie à Cori. C’est dire que les membres sont peu nombreux sur chaque monastère et qu’ils croulent sous le travail. C’est pourquoi ils ont demandé aux trois associations des « Amis de Mar Moussa » un soutien non seulement financier, mais aussi logistique, avec des séjours d’aide concrète aux monastères.

Le séisme de février 2023 n’a pas touché la région. Mais le monastère de Mar Moussa doit s’adapter aux besoins du temps: des travaux d’isolation des bâtiments sont en cours, de même que la pose de cellules photovoltaïques pour assurer l’approvisionnement en électricité. Ce qui entraîne des dépenses importantes, dont le monastère ne peut s’acquitter que grâce aux dons de familles syriennes mais surtout de soutiens extérieurs.

Célébrations

Ce mois de juillet 2023 est exceptionnel, il marque la dixième année de la disparition du fondateur de Mar Moussa. La communauté de Mar Moussa à Cori, près de Rome, a organisé des portes ouvertes et des rencontres interreligieuses. Et à Rome, une messe spéciale pour Paolo et tous les disparus du conflit syrien, sera célébrée le 29 juillet, jour de sa rencontre fatale avec Daech.

Et un premier volume des conférences de Paolo Dall Oglio est édité en italien avec une préface du pape François. Paolo a laissé 3000 heures!) de conférences prononcées en arabe, en italien, en français. Le monastère est en train de les retranscrire, avec l’aide de bénévoles. Ces pages explicitent la démarche théologique du père Paolo, et les fondements de ses règles monastiques.

La disparition du jésuite Italien est une perte pour la Syrie et pour tous ses amis. Mais force est de constater que son héritage est lui bien vivant et mérite d’être perpétué et soutenu.

TEMOIGNAGE D’UNE MEMBRE DE L’ASSOCIATION LES AMIS DE MAR MOUSSA-SUISSE

Mar Moussa est une oasis de paix en Syrie

J’ai grimpé pour la première fois en 2002 les plus de 200 marches qui conduisent au monastère. Comme le font des centaines de Syriens qui viennent chaque vendredi visiter les lieux, s’informer sur la vie des moines et moniales, piqueniquer sur la terrasse. La terrasse est face au désert et, le soir venu, le jeu des couleurs et des formes invite à la méditation.

Mar Moussa est un lieu très spécial en Syrie. Les membres de la communauté religieuse sont toujours restés sur place malgré le danger (l’Etat islamique n’était en 2015 qu’à quelques kilomètres) et malgré les bandes de voleurs (huit cambriolages en 5 ans, dont le rapt de leurs 105 chèvres et moutons!). C’est un phare pour les chrétiens et les musulmans qui y sont tous accueillis selon la tradition abrahamique de l’hospitalité sans jugement.

Pendant la guerre, nous avons régulièrement aidé le monastère, d’abord dans sa survie, mais aussi dans ses activités. Mar Moussa est à l’origine de la création de deux lieux essentiels dans la ville voisine de Nebek, qui a grossi à la suite de l’arrivée de réfugiés intérieurs. Création d’un jardin d’enfants, où enfants de deux religions se côtoient, ferment d’un avenir pacifié. Et création d’une école de musique, pour sortir les enfants de l’obsession de la guerre et les initier à l’art universel de la musique.

Le monastère est mixte – moines et moniales y vivent – et œcuménique – catholique et orthodoxe. Ils se consacrent à la prière, l’hospitalité et au dialogue avec l’islam. Les membres de la communauté vivent dans une sobriété joyeuse. Les repas sont majoritairement végétariens. Je me suis régalée des galettes de pain, de leur fromage frais de brebis et de leurs olives. Il n’empêche, il y fait froid en hiver (ils sont à plus de 1000 m.) et torride l’été. D’où le besoin de mieux isoler fenêtres et portes. C’est à quoi l

L’association Les Amis de Mar Moussa va consacrer les dons reçus chaque année pour Noël et la nouvelle année à la réalisation des travaux nécessaires.