Lettre aux amis 2023

Avant-propos
Je ne peux rien faire ces jours-ci sans penser à ce qui se passe à Gaza depuis l’assaut du Hamas le 7 octobre, à ce qui s’y passe depuis plus de seize ans, et à ce qui se passe en Terre Sainte depuis plus de soixante-quinze ans. Je ne peux pas écrire, la seule chose que je puisse faire en plus de prier, c’est de crier. Seigneur, fais que mon cri devienne une prière devant Toi. Seigneur, aie pitié de l’humanité.
Cette fois-ci, il y a quelque chose de différent : tout le monde ne se tait pas, de nombreuses personnes dans le monde s’expriment, manifestent et montrent leur solidarité avec les victimes.
Oui, le moment est venu pour nous tous de nous unir et de dire : plus d’injustice, plus de meurtre, plus de haine. Mais les puissants, qui peuvent, et donc doivent, faire quelque chose pour protéger les faibles, se contentent de s’inquiéter, d’élaborer des théories, ou pire, de se ranger sans vergogne
du côté de l’agresseur contre la victime. La vie d’un enfant palestinien n’est pas moins précieuse que celle d’un enfant israélien, nous sommes tous égaux. Cependant, les Israéliens vivent et appartiennent à une société puissante qui occupe la terre d’autrui et qui est soutenue globalement,
et souvent injustement, par de nombreuses nations ; le gouvernement israélien n’a respecté, ni moralement ni légalement, aucune des résolutions de l’ONU pour tout ce qui concerne le conflit israélo-arabe. Quant aux Palestiniens, ils vivent aujourd’hui dans un camp d’extermination appelé
Gaza ou dans une terre assiégée appelée Cisjordanie ; ils sont exposés en permanence aux meurtres, aux arrestations, à la torture, aux expulsions forcées et à l’incendie de leurs récoltes, sans que personne ne les soutienne. La Palestine est occupée et opprimée, et l’État d’Israël, créé par l’Occident pour donner une patrie aux Juifs – qu’il a lui-même persécutés en Europe -, se comporte comme un colonisateur oppresseur. De nombreux Israéliens, victimes de l’Holocauste, le plus terrible génocide de l’histoire, vivent dans les maisons de familles palestiniennes qui ont été chassées de leurs terres et de leurs maisons, dont certaines conservent encore les clés. La douleur
et le traumatisme du peuple juif à cause de la Shoah sont énormes et méritent que nous travaillions tous pour qu’ils vivent dans une paix véritable. Mais si la victime d’hier joue le rôle de bourreau aujourd’hui, la paix ne viendra malheureusement pas. Oui, le Hamas a semé la terreur même parmi les civils, mais la réaction d’Israël n’est pas seulement une réaction disproportionnée, c’est un génocide, un autre génocide.
La plupart des gouvernements occidentaux qui prétendent protéger la dignité et les droits de l’homme et défendre les valeurs de justice, d’égalité, de liberté, de fraternité, de non-violence, etc. ne font rien ou presque. Au Moyen-Orient, nous sommes tristes et incapables d’agir. Nous nous sentons humiliés, insultés et abandonnés face à la puissance du mal, qui allume le feu de la haine dans nos cœurs. C’est pourquoi, en tant que disciples de Jésus de Nazareth, nous crions : Seigneur, prends pitié. Seigneur, protège nos cœurs de la haine et de la rancœur. Rends-nous capables de prier pour une paix juste, qui ne se fasse pas au détriment des faibles et où les forts n’écrasent pas les misérables. Nous osons espérer une paix qui garantisse à tous, Palestiniens et Israéliens, une vie libre et digne. Rends-nous capable d’investir toutes nos forces pour que se réalise la vision du prophète Isaïe, dans laquelle le loup vivra avec l’agneau, même s’ils le font dans deux État

À travers l’hospitalité, qui est pour nous une vertu sacrée et que nous appelons abrahamique – en référence à Abraham, le père des croyants et l’ami de Dieu -, Dieu devient notre hôte dans l’hôte que nous accueillons, et c’est Lui qui accueille nos hôtes qui sont les hôtes du Miséricordieux. Il
est l’Hôte dans le double sens du terme, Celui qui reçoit et Celui qui est reçu. Ainsi, comme dit saint Paul apôtre, Dieu devient tout en tous (1 Cor 15, 28).
Nous autres chrétiens, nous nous disons monothéistes, mais souvent nous l’oublions ou l’ignorons, et beaucoup d’entre nous ne le savent pas ou ne veulent pas le savoir. L’hospitalité nous aide à être des monothéistes, de véritables adorateurs du Dieu unique. Le cœur du message de la Bible est l’unicité de Dieu, c’est-à-dire le monothéisme. Le mot arabe pour monothéisme est tawḥīd, un mot islamique qui n’est pas utilisé par les chrétiens arabophones, précisément parce qu’il est islamique. En revanche, en Orient, le signe de croix « Au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit » se termine toujours par « un seul Dieu. Amen ». Il s’agit toujours de respecter le premier commandement du Décalogue, qui résume toute la Loi et les Prophètes, ainsi que le deuxième commandement, qui est d’aimer son prochain, comme Jésus nous l’a enseigné. Le fait que nous soyons monothéistes crée un vaste espace de dialogue avec l’islam. Cela n’enlève rien à notre foi en Dieu qui est Un et Trine, Père, Fils et Saint Esprit, une trinité qui n’est pas numérique mais relationnelle. Les chrétiens en général, et les catholiques en particulier, doivent être des hommes
et des femmes universels, c’est-à-dire capables de « se faire tout à tous », comme le dit l’apôtre Paul (1 Corinthiens 9,22), et donc de garder leur cœur dans la fidélité à l’amour du Dieu unique,
sans se créer de faux dieux comme l’argent, la position sociale, la réussite professionnelle, la célébrité, la race, le nationalisme, la corruption politique, etc. Même Dieu, la foi, l’Église et la croix peuvent être transformés en idoles. Tenté par Satan, Jésus a lutté contre l’idolâtrie en refusant de se prosterner devant le diable et d’avoir un cœur divisé. Cette tentation l’a accompagné jusqu’à la Croix, et pour la surmonter, Jésus s’est isolé dans le désert ou a escaladé la montagne pour prier et adorer Dieu le Père en Esprit et en Vérité, afin de garder un cœur unifié et de se protéger de la vaine gloire. Seule une conversion constante au Père nous sauve de l’idolâtrie.
C’est pourquoi nous devons suivre les traces du Maître et accueillir Dieu dans nos prières, devenir ses hôtes. La prière n’est pas la répétition de mots ou la pratique de rituels, mais plutôt un regard patient d’amour qui ne se lasse pas et ne s’ennuie pas, un regard silencieux, une écoute calme et contemplative en présence du Bien-Aimé. La prière nous apprend l’hospitalité et notre hospitalité devient prière. Chaque fois que Dieu nous accueille dans son amour, Il renforce notre foi et unifie de plus en plus nos cœurs. Ainsi, accueillir Dieu, c’est professer son unicité, c’est un acte de monothéisme. Dans cette optique, accueillir son prochain devient une louange à Dieu. Je crois que l’homme est devenu de plus en plus solitaire, replié sur lui-même partout, même dans nos sociétés orientales, ce qui aggrave nos problèmes. C’est pourquoi je crois que le vivre ensemble peut sauver le monde. Dieu le sait et il est devenu notre Hôte dans l’Enfant de la grotte pour vivre avec nous et nous faire vivre en Lui et avec Lui, l’Emmanuel.
frère Jihad, moine et supérieur du monastère

La Communauté monastique
La nouvelle la plus importante pour la Communauté au cours de l’année écoulée fut l’ordination du moine Jacques comme archevêque de l’éparchie syrienne catholique de Homs, Hama et Nebek, le 3 mars 2023. Il a choisi le nom de « Yulian Yacoub Mourad » en l’honneur de Saint Julien le
Presbytre, auquel est dédiée la paroisse de Qaryatayn, où Jacques a servi et vécu pendant 15 ans à côté de la tombe du saint. Nous avons perdu un membre important de la communauté pour le donner à l’Église qui l’a gagné comme évêque, tout en le gagnant à travers ce rôle et cette mission
importante qui lui a été confiée. Nous avons tous assisté à son ordination avec beaucoup d’émotion et de joie, en compagnie de nombreux amis syriens et européens. Mgr Yacoub a tracé les grandes lignes de sa pastorale autour de l’accueil inconditionnel de tout être humain, de l’ouverture
œcuménique aux religions, en particulier aux musulmans, de la nécessité de promouvoir le rôle des femmes et des jeunes laïcs. Priez avec nous pour notre nouvel évêque.
Le 28 août, Jacques a célébré la fête de Deir Mar Musa dans la « tente » de la vallée en dessous du monastère en offrant la messe pour notre fondateur, le Père Paolo, en mémoire des dix ans de sa disparition. Le Nonce Apostolique à Damas, le Cardinal Mario Zenari, le provincial des jésuites au Moyen-Orient, le père Michael Zammit, d’autres jésuites, des prêtres diocésains, des séminaristes, des moines et des moniales de Deir Mar Yaqoub à Qara, des paroissiens de Nebek et d’autres amis étaient tous présents avec nous.
Le 29 juillet, nous avons vécu l’événement le plus important de la vie de la Communauté en 2023 dans l’église de Saint Ignace de Loyola à Rome. Nous avons célébré la messe pour le dixième anniversaire de la disparition du Père Paolo, présidée par le Secrétaire d’État du Vatican, le Cardinal Pietro Parolin, avec la participation de Mgr Jacques, Mgr Rami al-Kabalan et de
nombreux jésuites, des membres de la famille du père Paolo et des amis du monastère. À cette occasion fut présenté le premier volume du livre du Père Paolo « Mon Testament », un recueil de conférences qu’il a données au monastère de Mar Moussa pour commenter et expliquer la première
forme simple de la Règle de la communauté monastique. Le livre, préfacé par le pape François, a été présenté dans la même église avant la messe. L’événement fut pour nous une source de consolation et de joie, malgré la tristesse du souvenir. Le texte italien représente un quart de
l’original arabe, et nous cherchons des bienfaiteurs qui seraient prêts à financer la traduction du reste. Si quelqu’un est intéressé, merci de nous contacter. La communauté souhaite remercier ici notre ami Adib al-Khoury, directeur de la maison d’édition al-Khalil, qui a travaillé à la transcription du texte arabe, et notre amie Elena Bolognesi qui a traduit le premier volume de l’arabe en italien.

Le Monastère de Mar Moussa, Nebek, Syrie
Sœur Houda, Frère Yaussé, Frère Ziad et Frère Jihad vivent à Mar Moussa ; chacun participe à
l’hospitalité ordinaire selon ses dons et les besoins quotidiens. Houda a aidé les Jésuites à donner
les exercices spirituels ignatiens à Deir Mar Moussa et au centre d’exercices spirituels des jésuites
à Tuffaha, dit de la Transfiguration. La nouvelle la plus saillante est la participation de Houda
comme seule femme syrienne au Synode des évêques catholiques
, contribuant aux discussions et
aux réflexions sur l’avenir de l’Église et sur la manière de vivre la « synodalité » dans l’Église du
troisième millénaire. Yaussé poursuit son travail de fabrication de bougies qu’il vend aux églises
de la région, et de chapelets, aidé dans cette dernière activité par plusieurs femmes musulmanes et
chrétiennes de Damas. Yaussé descend volontiers les trois cent quarante-quatre marches du
monastère pour ouvrir la boutique du monastère aux visiteurs, fut-ce pour une heure, et remonte
ensuite, heureux de les avoir accueillis. Ziad est entré au noviciat le vendredi 28 juillet. Nous
l’avons accueilli avec beaucoup de joie, en remerciant Dieu, dans l’église du monastère SS.
Salvatore à Cori. Ziad, 29 ans, est issu d’une famille maronite du village d’Ain Halakim dans la
région de Hama, et a commencé sa vie monastique avec beaucoup de joie et d’enthousiasme. Que
Dieu le bénisse. Jihad s’efforce de remplir son devoir de supérieur du monastère. En coopération
avec la Société biblique syrienne, Jihad a organisé cinq journées d’introduction à la lecture de la
Bible dans différentes villes.
Youssef Bali a fêté ses 61 ans à la fin du mois d’octobre, dont 17 avec nous. Denver est retournée
en Syrie à la mi-mai pour poursuivre le discernement de sa vocation et étudier l’arabe à Homs où
elle était l’invitée de Jacques à la Curie épiscopale. Après avoir participé à la semaine Portes
Ouvertes à Cori, elle est restée trois mois à Mar Moussa, puis s’est rendue à Damas en tant
qu’invitée des Sœurs des Sacrés-Cœurs pour continuer à étudier l’arabe. Barbara a partagé la vie
de la communauté du Nouvel An 2022/23 jusqu’à Pâques 2023. Ce fut un temps de prière et de
discernement de sa vocation. Elle a ensuite participé à la semaine Portes Ouvertes à Cori en juillet.
Début septembre, Siham, une femme consacrée irakienne, est arrivée et a séjourné à Mar Moussa
jusqu’à la mi-novembre pour faire l’expérience de la communauté et discerner sa vocation. Elle
s’est ensuite installée dans notre monastère de Sulaymaniya pour un temps et espère revenir à Mar
Moussa après les vacances de Noël.

Pèlerins et visiteurs

Le monastère, grâce à Dieu, a accueilli l’année dernière un bon nombre de pèlerins, des groupes
paroissiaux, des confréries de jeunes, des femmes, des scouts, des groupes de prière, des singuliers,
des familles et des groupes d’amis. Certains sont venus pour faire des exercices spirituels avec leur
guide, d’autres simplement pour profiter de la paix et du silence du monastère et pour participer à
la vie de la communauté. Nous avons également reçu de nombreux amis musulmans de différentes
confessions, soit pour une courte visite d’une journée, soit pour une nuitée ou plus. Pour la
deuxième année consécutive, nous avons accueilli un groupe de chrétiens et de musulmans qui ont
fait une retraite zen pendant quelques jours dans un silence total. Ceux qui le souhaitaient, chrétiens
ou musulmans, se sont joints à nous pour prier et méditer le soir. Les pèlerins européens sont
encore peu nombreux, mais nous sommes heureux de les recevoir. Nous souhaitons également
accueillir des hôtes en hiver, c’est pourquoi nous avons commencé à remplacer les vieilles fenêtres
et portes de toutes les chambres par de nouvelles fenêtres isolantes. La plupart des chambres d’al-
Hayek sont pratiquement prêtes, ensuite ce sera le tour des chambres des hommes situées à côté
de l’ancien monastère. Cela nous permettra de chauffer les chambres avec un minimum d’énergie
et de garder la chaleur plus longtemps. Cette année, un groupe d’employés et de collaborateurs a
participé à l’accueil : Nouhad et Carla des villages de Hama, Moussa et Ass‘ad de Nebek, et Elias,
un volontaire d’Alep. Letizia, d’Italie, a partagé la vie de prière et d’hospitalité du monastère de
la mi-septembre jusqu’au Nouvel An. Loris, un jeune homme suisse, mécanicien de profession,
nous a contactés par l’intermédiaire de l’Association des Amis de Mar Moussa en Suisse. Depuis
la mi-octobre, il partage notre vie pour au moins six mois, cherchant la volonté de Dieu. Nous les
confions tous à vos prières.
Le projet agricole dans la vallée du monastère se développe grâce à la récupération et à la
culture des zones arides, grâce à l’augmentation des nouvelles terrasses pour l’agriculture
construites avec des pierres collectées dans la montagne. La grande expérience et l’habileté de
Hussein Abu Raed (notre contremaître) ont ajouté une beauté harmonieuse à la montagne, à la
vallée et à la nature, comme si les terrasses étaient là depuis des siècles. Hussein est aidé par un
groupe de jeunes musulmans, pas toujours les mêmes, le plus stable d’entre eux étant Mu’tazz.
Nous sommes en train de planter une vigne dans la vallée qui, nous l’espérons, nous donnera assez
de fruits pour l’été et nous permettra de vendre du raisin pour en faire du raisin sec et de la mélasse,
les feuilles de vigne étant utilisées pour la cuisine. Nous sommes aidés dans ce travail par un jeune
agronome expérimenté et enthousiaste, Mohammed Khair Rasul de Nebek. Il est secondé par Abu
Riad et Youssef Hanna, qui ont été rejoints par Elian (de la région de Hama) au milieu de
l’automne. Nous avons un besoin urgent de remplacer les deux camionnettes, qui sont non
seulement devenus obsolètes, mais aussi dangereuses pour ceux qui les utilisent. Nous aimerions
reprendre l’élevage de chèvres et produire notre propre fromage. Nous recherchons des personnes
qui peuvent nous aider dans ce travail : des bergers et des personnes expérimentées qui, avec
l’amour de la nature, peuvent se consacrer au travail agricole et pastoral, dans le respect de
l’environnement.
Nous poursuivons la construction du Centre pastoral à côté de l’église paroissiale de Nebek,
qui comprendra un rez-de-chaussée utilisé comme jardin d’enfants pour 200 enfants, et deux autres
étages qui seront consacrés à l’usage paroissial et aux activités du monastère. Le jardin d’enfants
du Qalamoun continue de briller par son travail éducatif, et les 18 enseignants s’engagent avec
beaucoup de joie et d’enthousiasme. Nous avons 120 enfants (3-5 ans) dont seulement 6 sont
chrétiens.
L’école de musique a fait des progrès considérables avec l’augmentation du nombre des
professeurs : certains enseignent la musique de groupe, d’autres le solfège pour les débutants.
L’école accueille actuellement 70 garçons et filles de nos trois paroisses, syro-catholique, gréco-
catholique et évangélique. Dans le cadre du projet de soutien médical, nous continuons à fournir
des médicaments aux personnes souffrant de maladies chroniques, et contribuons aux frais des
tests de diagnostic, des analyses médicales, des opérations chirurgicales mineures ou majeures, des
dialyses et des chimiothérapies pour les patients atteints de cancer. Il n’y a jamais assez de fonds
pour ce projet, les besoins sont toujours plus grands que nos réserves d’argent. De nombreux
pauvres frappent à la porte du monastère et nous répondons à leurs besoins dans la mesure de nos
possibilités, grâce aussi à votre solidarité. La plupart de ces projets sont coordonnés et supervisés
directement ou indirectement par Marwan.

Le monastère continue de soutenir les familles vivant dans les appartements qu’il possède,
construits depuis 2008, et qui sont maintenant habités par 18 familles chrétiennes et musulmanes
très pauvres ou à faibles revenus. L’un de nos paroissiens, George Rizq, a pris la responsabilité de
la gestion et de la supervision des appartements et de leur entretien après le décès de notre cher
ami Nicolas. L’aide que nous offrons à ces familles consiste en un loyer très bas.
Cette année encore, nous apportons notre aide à plus de 65 étudiants inscrits dans les
universités de Damas, Homs et Alep, dans l’espoir de construire un avenir meilleur pour la Syrie
et le monde. En coopération avec la Fondation Magis, nous avons lancé le nouveau Projet Tosca
Barucco pour soutenir les femmes et les filles syriennes, musulmanes ou chrétiennes, à travers
l’école, l’université ou la formation professionnelle.
Les travaux de restauration du monastère de Mar Elian à Qaryatayn se poursuivent et, grâce
à Dieu, après avoir restauré et reconstruit la petite chapelle et déplacé les restes du saint dans sa
tombe, qui a également été restaurée, nous avons pu restaurer la grande église du monastère. La
cuisine et plusieurs pièces ont été rénovées, la plupart des plafonds ont été refaits et les chambres
ont été dotées d’un mobilier de base, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous nous occupons
également de l’oliveraie, de la vigne et des arbres fruitiers, de l’irrigation et de la production de
légumes. Nous avons rénové deux écoles publiques de la ville et les avons équipées de panneaux
solaires, de bureaux, de chauffages et d’ordinateurs. L’un de nos paroissiens, Mtanos al-Dallul,
gère les travaux avec l’aide de quelques musulmans de la ville comme Abu Ahmed, l’avocat Tha’ir
et l’ingénieur Rabeea. Jabra Gerges de Homs s’occupe de la comptabilité en collaboration avec
Diab al-Assaf de Damas, le comptable général du monastère qui supervise également le projet
Tosca Barucco mentionné ci-dessus.
Le Monastère du Saint-Sauveur (Santissimo Salvatore), Cori
Sœur Deema et Sœur Carol vivent à Cori. Deema est en deuxième année de doctorat à la
Grégorienne. Dans la mesure du possible, elle s’occupe de quelques étudiants syriens en Italie.
Pendant l’été en Syrie, elle a fait la navette entre Mar Moussa et sa maison familiale à Homs pour
aider ses parents et s’occuper de son père qui a subi une intervention chirurgicale qui, Dieu merci,
a été couronnée de succès. Carol en est à sa onzième année à Cori et est sur le point de terminer
sa thèse de doctorat, qui, nous l’espérons, trouvera un écho favorable dans le domaine des études
sur l’islam. Nous espérons que son travail académique et spirituel contribuera à consolider les
fondements du dialogue islamo-chrétien, à promouvoir un profond respect mutuel et la recherche
d’une vérité commune. Carol s’est également occupée de sa mère malade au Liban.
Le « deuxième ordre »
Désireux d’élargir le cercle des membres de la communauté, nous avons invité quelques amis
– hommes et femmes, consacrés et laïcs, mariés ou célibataires qui ont manifesté un intérêt pour
la fondation de ce que l’on appelle le « deuxième ordre » – à une journée de prière et de réflexion
commune dans notre monastère de Cori, à la mi-février. Par « deuxième ordre », nous entendons
le lien spirituel avec ceux qui, sans se sentir appelés à la vie consacrée ou monastique, sentent que
Dieu les appelle à vivre notre vocation en général et à s’engager dans la spiritualité de la Badaliya
en particulier. Nous avons déposé ce projet entre les mains de nos amis, en attendant que Dieu
manifeste concrètement Sa volonté dans leur cœur.
Dieu merci, la restauration de l’église s’est terminée en juillet. Les travaux structurels de
consolidation ont été effectués, et l’église peut désormais accueillir fidèles et touristes. Il reste à
restaurer plusieurs fresques ainsi que des peintures conservées auprès de la paroisse, dans l’attente
des contributions des bienfaiteurs. Avant d’inaugurer officiellement l’église avec notre cher ami et
père, l’évêque Mariano Crociata, nous l’avons inaugurée de fait pendant la semaine « Portes
ouvertes » du 22 au 28 juillet, organisée à nouveau après quatre ans. Son thème était la pensée
théologique dialogique d’Abouna Paolo, l’« Amoureux de l’Islam, croyant en Jésus ». Plus de 70
personnes ont participé aux Portes Ouvertes, beaucoup pendant toute la période, d’autres pendant
quelques jours. Les participants, des chrétiens, des musulmans, des agnostiques et des non-
croyants, venaient d’Italie, de France, de Belgique, d’Irlande, d’Allemagne, du Maroc, d’Algérie,
de Tunisie, de Syrie et de Palestine. La rencontre a été riche en expériences spirituelles, en débats
et en approches scientifiques, culturelles et humaines. Tous ont apprécié la profondeur du climat
spirituel fraternel qui s’est instauré. Certains ont participé pour la première fois à une prière
commune entre chrétiens et musulmans.

Le Monastère de la Vierge Marie à Sulaymaniya, Kurdistan irakien
Frère Jens et Sœur Friederike vivent à Sulaymaniya. Jens est toujours au service de la
communauté des chrétiens étrangers, composée d’Indiens et de personnes originaires d’autres pays
asiatiques. Il y a aussi quelques Européens qui viennent tous les vendredis pour la messe en anglais
et pour célébrer les grandes fêtes. Deux fois par semaine, Jens célèbre la messe pour les religieuses
carmélites indiennes dans leur maison de l’hôpital pour handicapés Mary Mother of Mercy.
Friederike ne se contente pas d’offrir l’hospitalité, elle aide aussi grâce à son expérience la troupe
de théâtre dirigée par Safa. Elle accompagne également des personnes ayant subi des traumatismes
dans leur vie, afin de les aider à les surmonter. Friederike se rend trois ou quatre fois par an en
Allemagne pour rendre visite à sa mère âgée et malade.
Pendant la journée, la vie au monastère de Sulaymaniya ressemble à une ruche, avec des
centaines d’étudiants de différentes langues et leurs professeurs. Le jardin verdoyant du monastère,
orné de roses, d’orangers et d’oliviers, crée une belle atmosphère d’accueil et de partage. Jihad a
taillé les oliviers lors de sa visite annuelle, avec l’aide de Jens et de Friederike. Les olives cueillies (2 kg) sont déjà prêtes et bonnes à manger. Cette année, nous espérons faire de la confiture
d’oranges avec les fruits du jardin. Il y a aussi des cours académiques en collaboration avec le
réseau Jesuit Worldwide Learning. Norbert, d’Allemagne, propose un service de thérapie des
traumatismes appelé « awarness building » qui promeut l’éducation à la paix. Le monastère
accueille également des hôtes qui viennent pour plusieurs jours visiter la communauté ou la ville.
L’équipe qui travaille au monastère est composée de 35 personnes (majoritairement musulmanes),
dont Abdulmasih, responsable des relations avec les services gouvernementaux et des transactions
officielles, Najah, la secrétaire, et Youssef, qui s’occupe des achats et des affaires pratiques.
Khuder, arrivé avec la grande vague de réfugiés en 2014, est toujours présent au monastère et aide
à l’accueil.
La restauration de l’église du monastère est une nécessité urgente, étant donné le mauvais état
du mur nord en particulier, et du bâtiment en général. Le projet est soutenu par l’évêque Youssef
Toma Mirkis, qui a exprimé sa joie et sa gratitude pour notre présence à Sulaymaniya. Nous lui
sommes également reconnaissants de sa sollicitude paternelle et de son soutien en tout.
Nous aimerions partager avec vous quelque chose d’important à propos de Sulaymaniyah. Au
cours du chapitre communautaire annuel qui s’est tenu à Cori, un sentiment de profonde inquiétude
est apparu concernant les aspects spirituels de notre mission et la situation des moines qui y vivent.
Malgré le succès des activités culturelles, artistiques et humanitaires du monastère, qui
correspondent aux besoins de la communauté locale, et malgré l’intégration de Jens dans le
diocèse, nous craignons de ne pas pouvoir, pour le moment, transformer le lieu en un véritable
monastère qui appartienne à la communauté monastique d’al-Khalil et en exprime la spiritualité.
Dieu merci, beaucoup de gens sentent que le lieu a un impact spirituel sur ceux qui y entrent, que
les jeunes s’y sentent en sécurité et qu’ils peuvent s’y exprimer plus librement qu’en d’autres lieux.
Mais notre vision réaliste de la situation actuelle prend en compte d’autres points importants. Le
premier est notre petit nombre et le manque de vocations monastiques. Le deuxième est que
Friederike devra s’absenter de plus en plus au cours de l’année à venir pour s’occuper de sa mère
âgée et malade, et nous ne savons pas combien d’années cela durera. Par conséquent, Jens restera
seul comme moine au monastère. Jens est extrêmement occupé et très fatigué, tant physiquement
que psychologiquement. Il a assumé une énorme quantité de responsabilités et de travail qui
l’éloigne des gens, et il est incapable de remplir son rôle principal de moine, car il passe de longues
heures au bureau à gérer ce lieu qui ressemble davantage à un centre d’enseignement et de
formation qu’à un monastère. La fidélité de Jens à son service pastoral auprès des étrangers et des
moniales carmélites n’est pas suffisante pour créer une vie spirituelle, ni pour lui ni pour le lieu,
telle que nous le souhaitons en tant que Communauté d’al-Khalil. C’est pourquoi nous recherchons
maintenant un partenaire avec lequel nous pourrions partager la responsabilité du lieu ou même le
céder complètement le moment venu.
Ce partenaire peut être une communauté religieuse, une
association laïque ou des amis individuels de la Communauté, des personnes qui croient en notre
vocation de dialogue avec l’Islam dans une atmosphère de prière, de travail et d’hospitalité. Nous
pensons qu’il existe une solution intermédiaire entre se retirer complètement de Sulaymaniya et y
rester. La communauté peut conserver la responsabilité du poste en travaillant avec le nouveau
partenaire et l’équipe existante. De cette manière, Jens et Friederike peuvent être plus présents à
Deir Mar Moussa ou Cori et moins à Sulaymaniya, selon les besoins. Ceci jusqu’à ce que nous
quittions définitivement le monastère
, transférant l’entière responsabilité au partenaire, ou que
l’arrivée de nouvelles vocations monastiques nous permette de rester à Sulaymaniya. Le chemin
deviendra plus clair à chaque fois que nous ferons un pas en avant.
Conclusion
Chers amis, nous tenons à vous remercier du fond du cœur pour votre amitié concrète et votre
solidarité évangélique vis-à-vis de nos besoins matériels et spirituels et de ceux de nos pauvres. La
Syrie subit encore le poids de la crise économique, provoquée par les années de guerre et exacerbée
par une corruption diffuse à tous les niveaux. Les gens sont contraints de se préoccuper uniquement
des premières nécessités, telles que la nourriture, l’eau, le gaz et le pétrole, les médicaments, les
frais de scolarité et d’université ; surtout ceux qui ont été affligés et traumatisés par le terrible
tremblement de terre de février. Il ne semble y avoir ni avenir ni horizon pour nos jeunes, chrétiens
et musulmans, qui pensent tous à émigrer. Malheureusement, ce pays a perdu beaucoup de son
sens pour la plupart de ses habitants.
Nous aimerions pouvoir vous remercier en vous écrivant un par un pour votre générosité, mais
cela ne nous est malheureusement pas possible. Vos dons, même les plus petits, ont une grande
signification pour nous et nous apportent une profonde consolation, car nous ne nous sentons pas
abandonnés, vous pensez à nous. Nous tenons à remercier ici en particulier les associations des
Amis de Deir Mar Musa en Italie, en France et en Suisse, pour leur soutien constant et leur
proximité. Nous remercions également les amis d’autres parties de l’Europe et du monde, comme
la Belgique, la Suède et l’Allemagne, où il n’y a pas encore d’associations officielles, mais où il y
a de vrais amis, qui prient pour nous et nous aident par leurs dons.
Je voudrais terminer en vous racontant cette histoire pour vous souhaiter Joyeux Noël et Bonne
Année. Un moine idéaliste rêvait qu’il existait un bouton sur lequel Dieu pouvait appuyer pour
que le monde change, que le mal se transforme en bien, le chagrin en joie, la tristesse en réconfort,
la laideur en beauté et que tous les problèmes cessent. En racontant ce rêve à ses frères, les moines
du monastère furent très déçus car le bouton magique n’existait pas. Nous ne sommes pas des
marionnettes et Dieu nous a créés à son image, libres, il ne peut donc pas nous forcer à être bons.
Le moine a repris ses esprits par la prière et le silence devant l’humble crèche de Noël, puis il s’est
levé et a réveillé ses frères au milieu de la nuit en criant : « Le bouton existe, ce n’est pas un mythe.
Il est dans nos cœurs et ce n’est pas Dieu qui doit l’appuyer, mais nous-mêmes ». Oui, nous
pouvons changer le monde en nous changeant nous-mêmes, le choix nous appartient. Amen.
La Communauté Monastique de al-Khalil

Comment nous aider
Depuis la France : Appel à Dons:
Association Les Amis de Mar Moussa France
Je fais un don de ——–Euros
– Avec reçu fiscal
– En versement libre
Par chèque à l’ordre de l’Association Les Amis de Mar Moussa-France
6 Bd Georges Pompidou 26200 Montélimar
Par virement, donnez bien votre adresse postale à:
jpcogasquet@gmail.com ou jl.vignoulle@gmail.com
IBAN FR3320041000016804459G02090
BIC PSSTFRPPPAR
Depuis la Suisse :
ASSOCIATION LES AMIS DE MAR MOUSSA
18, route du Prieur, 1257 La Croix-de-Rozon [CH]
Compte Postal CCP
12-349594-6
BIC: POFICHBEXXX
IBAN: CH40 0900 0000 1234 9594 6