Prix pour la paix décerné au Père Jacques Mourad, ex-otage de Daech

Symbole de paix, la Colombe d’or du peintre et sculpteur italien Pericle Fazzini a été attribuée cette année au prêtre syriaque catholique Jacques Mourad. Cet ex-otage de Daech a été récompensé le 21 octobre 2019 lors de la 35e édition du Prix de l’Institut de recherche «Archivio Disarmo» (IRIAD) à Rome, pour son engagement en faveur de la construction d’un monde sans armes.

Ce prêtre syrien, natif d’Alep, fut enlevé le 21 mai 2015 par des combattants de Daech, l’Etat islamique, dans son monastère de Mar Elian (Saint Julien), à Al-Qaryatayn, dans le désert, entre Homs et Palmyre. Les terroristes allaient ensuite raser le monastère de Mar Elian, un monument du Ve siècle, que Jacques Mourad avait restauré avec l’aide de compagnons et qui était un symbole de la coexistence entre chrétiens et musulmans.

Refuge dans la prière

Retenu prisonnier durant 4 mois et 20 jours, le Père Jacques Mourad fera l’expérience de la torture, de l’horreur et de la dépression, trouvant refuge dans la prière. Le prêtre syriaque dédie son prix à sa communauté et surtout au Père Paolo Dall’Oglio, dont il n’a aucune nouvelle, «mais il est toujours dans nos cœurs».

Le sacrifice du Père Dall’Oglio

Le Père Mourad, membre de la communauté Al-Khalil, fondée par Paolo Dall’Oglio, est l’un des compagnons du jésuite italien enlevé par Daech le 29 juillet 2013 à Raqqa, qui fut un temps la capitale tristement célèbre du «califat islamique», au nord-est de la Syrie. Le corps du Père Dall’Oglio, vraisemblablement exécuté par les djihadistes de Daech, n’a jamais été retrouvé.

Soulignant son sacrifice pour l’amour du Christ, pour l’islam et pour les musulmans, Jacques Mourad a déclaré à Vatican News suivre le chemin qu’a tracé le jésuite italien. «Ce prix est donc en l’honneur de son travail, à ce qu’il a donné avec sa vie».

Coexistence possible avec les musulmans

Le religieux syrien affirme que la guerre qui ensanglante la Syrie n’empêche pas ce chemin de vie commune, de coexistence et de dialogue avec les musulmans. Au contraire, ces souffrances le renforcent. «Donc pour nous, même dans les terribles moments que traverse la Syrie, rien ne change, car la racine de cette vie commune est l’amour du Christ, l’ouverture d’esprit et la bonté de cœur du peuple syrien. Nous sommes appelés à nous accueillir mutuellement».

Dénonçant l’agression turque au nord-est de la Syrie et le silence complice de la communauté internationale, le Père Mourad déplore que ce peuple – chrétien et non chrétien – est «condamné à mort sous les bombardements».

Volonté de faire disparaître les chrétiens

La seule façon de sauver cette région est de mettre un terme à la guerre, «sinon les chrétiens qui restent continueront à fuir cette région à la recherche d’un endroit plus sûr». Et d’évoquer le risque que nous assistions à la fin de la présence des chrétiens dans ce pays. Les agresseurs poursuivent le projet de faire disparaître les chrétiens de Syrie.

«Mais je me demande: jusqu’à quand et pourquoi les chrétiens doivent-ils payer pour leurs 2’000 ans de vie et d’histoire dans ce pays ? Les premiers chrétiens étaient ici, dans cette partie du monde, pourquoi devraient-ils partir ? Le monde doit se sentir responsable de ce qui se passe!»

Jacques Mourad avait également reçu le 12 mai 2019, à l’occasion de sa 8e édition, le Prix littéraire de l’Œuvre d’Orient, pour son livre «Un moine en otage. Le combat pour la paix d’un prisonnier des djihadistes», écrit avec le journaliste Amaury Guilhem, est paru aux Editions Emmanuel en 2018. Ce Prix récompense un ouvrage traitant avec espérance de la situation des chrétiens en Orient. (cath.ch/be)

Pas de nouvelles des religieux disparus
Le Père Mourad est membre de la communauté Al-Khalil, qui a pris naissance au couvent de Mar Moussa (Deir Mar Musa al-Habachi, Saint Moïse l’Abyssin), situé à 13 km de Nebek, à quelque 90 km au nord de Damas. Cette communauté a été fondée par le Père Paolo Dall’Oglio, porté disparu à Raqqa il y a plus de six ans. Jacques Mourad a eu, par contre, davantage de «chance» que le jésuite italien. Séquestré durant 4 mois et 20 jours, il a pu s’échapper des griffes de ses ravisseurs. Il vit désormais à Deir Maryam el Adhra, le Monastère de la Vierge Marie, à Souleymanieh, au Kurdistan irakien.
Deux évêques orthodoxes – Mgr Boulos Yazigi et Mgr Yohanna Ibrahim – enlevés par les djihadistes le 22 avril 2013 près d’Alep, n’ont par contre plus donné de nouvelles. Auparavant, le 9 février 2013, deux prêtres, le Père Michel Kayyal, arménien catholique, et le Père Maher Mahfouz, grec-orthodoxe, avaient été séquestrés par des djihadistes. Aucune information crédible sur le sort de ces religieux n’a été publiée depuis lors. Interrogé par cath.ch sur le sort de son ami Paolo, le Père Mourad confirme que depuis la date de sa disparition, aucune information n’a filtré, ni à Raqqa ni ailleurs en Syrie. (cath.ch/be)

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