Lettre de Mar Moussa et des 2 autres monastères déc. 2019

COMMUNAUTÉ MONASTIQUE DE DEIR MAR MOUSSA

Introduction de Sœur Houda Fadoul

Par où commencer? De quoi parler? Beaucoup d’idées toutes importantes se bousculent en moi. Mais la chose la plus importante en ce moment est la réconciliation, le pardon, car c’est le seul moyen de construire la paix en cette période difficile que nous vivons et que nous devons essayer de dépasser, car Dieu nous a créés pour la vie et non pour la mort. Vivre en paix, sans guerre et sans conflit, loin de la haine sans fin qui en découle.

L’importance de ce sujet vient de ce que nous vivons dans le monde d’aujourd’hui, que ce soit dans notre vie monastique ou familiale, dans notre pays blessé ou dans d’autres pays du monde. Des millions de personnes déplacées et réfugiées sont dispersées, parfois dans leur propre pays. Des millions de personnes souffrent d’injustice sous toutes ses formes. Un grand nombre de jeunes sont sans travail, des enfants sans école, des personnes âgées et des enfants souffrent de la faim et manquent de médicaments et de soins, au vu de leurs proches qui ne sont pas en mesure de les aider. Des parents se suicident car ils ne peuvent inscrire leurs enfants à l’école ni même leur acheter un morceau de pain. En contraste, peu sont les « chanceux » qui jouissent sans mesure de leurs richesses. Au début du troisième millénaire, nous pouvons pleurer la mort de la justice sociale et économique. À une époque où la civilisation devrait progresser et s’épanouir et où les sociétés mûrir au service de l’humanité et œuvrer pour une fraternité universelle, nous voyons le mal empoisonner l’ensemble du corps humain, l’égoïsme augmenter et le fossé entre les personnes s’approfondir. Partout des relations tendues, des cœurs pleins d’amertume et des réactions qui manquent d’équilibre. Une violence règne dans nos cœurs et autour de nous. Même la nature que nous n’avons pas su sauvegarder et respecter se rebelle de manière inhabituelle mais non pas inattendue.

Qu’est-ce qui a changé ? Sommes-nous conscients de ce qui se passe autour de nous ? Nous nous énervons pour des raisons simples et banales. Nous avons tendance à accuser facilement les autres qui sont toujours « la cause » de notre violence. Avons-nous jamais pensé à entrer dans les profondeurs de nous-mêmes pour voir ce qu’il en est de l’image de Dieu en nous et ce que nous faisons pour devenir à sa ressemblance?

Certes, nous savons que nous ne sommes que poussière ! (Ps 103, 14). Cependant, cela ne nous justifie pas, car la première argile authentique à partir de laquelle nous avons été moulés était pure, immaculée, pleine de l’amour de Dieu pour nous et de sa bonne intention.

Où est donc le problème ? Nous avons tendance à pécher dès notre naissance (Gen 4, 4). Nous nous empressons d’accuser les autres de nous avoir fait dévier du droit chemin (Gen 3, 12), ce chemin de l’amour auquel nous avons été appelés dès le premier instant de notre deuxième naissance. Nous avons tort quand nous ne croyons qu’en nous-mêmes et ne comptons que sur nos propres talents, oubliant qu’ils nous viennent de Dieu.

Nous qui sommes consacrés, vivant de prière et faisant des exercices spirituels pour corriger ce qui ne va pas en nous, nous avons une grande responsabilité envers les autres et devons être plus disposés à pardonner, plus ouverts à la réconciliation. N’avons-nous pas pour mission de donner le bon exemple aux autres à travers nos vies et nos comportements ?

Pardonner sans oublier, est-ce cela le pardon ? En apparence, je parle et plaisante avec vous, mais à l’intérieur de mon cœur, un mur d’inimitié est érigé entre nous. Je mets l’obstacle devant toi et tu le mets devant moi. Ce mur de la haine, Jésus l’a détruit par sa croix (Eph 2, 14). La croix avec sa dimension verticale ouvre la possibilité de la relation avec Dieu, et avec l’horizontale elle rétablit la relation avec l’autre.

La croix est non seulement de supporter la douleur des autres, mais elle est aussi la pesanteur de soutenir les autres avec leurs faiblesses, leurs limites et leurs erreurs. Combien de fois avons-nous soutenu un frère que nous considérons lourd, fermé ou pessimiste?

Dans l’Évangile de Marc (11, 25-26), le pardon est une condition sine qua non de la prière, afin que notre Père céleste nous pardonne. Nous pouvons prier pendant de longues heures, mais avons-nous vraiment pensé à cette condition ? L’écho de la prière que Jésus nous a enseignée nous vient à l’oreille avec force et clarté (Mt 6, 12), nous rappelant l’exigence de pardonner.

Il n’y a pas lieu d’être pessimiste, car nous avons un intercesseur avec le Père (1 Jn 2, 1). Le Psalmiste aussi nous encourage en disant que le Seigneur soutient tous les morts et ressuscite tous les pauvres (Ps 145, 8). N’oublions pas non plus que nos proches qui nous ont précédés au ciel sont des intercesseurs pour nous. Souvenons-nous également que les larmes des mères et le cri des innocents éloignent la colère de Dieu.

Bien sûr, cela ne nous dispense pas d’assumer notre responsabilité personnelle devant Dieu et les autres, d’être plus ouverts et plus accueillants envers la faiblesse d’autrui. Dieu nous appelle à offrir à toute personne un « crédit de confiance », à construire des ponts d’amitié, à nous exercer les uns envers les autres à la même patience dont Il fait preuve à notre égard. Cela a un prix élevé et demande beaucoup d’efforts de notre part, au détriment de notre confort, de notre dignité et de notre position sociale. Demandons-nous donc si nous sommes vraiment prêts à payer le prix fort d’une profonde amitié, d’une vraie fraternité et d’un amour visionnaire. Réfléchissons sincèrement si nous souhaitons suivre l’exemple de saint Paul en ne nous conformant pas à la mentalité de ce siècle pour discerner la volonté de Dieu (Rm 12). Je pense que c’est pour nous la seule façon de suivre l’exemple de Celui qui n’a pas reculé à cause de nos limites, mais s’est offert une fois pour toutes, malgré notre faiblesse et notre dureté de cœur. Telle est l’offrande de Dieu dans son Fils bien-aimé, Jésus-Christ, pour le bien de tous en vue d’un monde de paix et d’amour.

Aujourd’hui plus que jamais, notre monde a besoin du témoignage vivant et sincère de personnes qui croient en la réconciliation, l’égalité, la solidarité et la fraternité, pour œuvrer à la paix et préparer un avenir prospère pour les générations à venir. Elles viennent nous demander ce que nous avons fait pour eux – pas dans des décennies ou des siècles, mais dès aujourd’hui.

Sœur Houda, Supérieure de la communauté

Nos monastères
La communauté monastique a tenu son Chapitre général en septembre dernier, pendant une période de sept jours au monastère de Notre-Dame de la Consolation, à Taʿnayel, au Liban. Les pères jésuites nous y ont réservé un accueil fraternel et généreux, et nous sommes reconnaissants à Dieu pour cette forte amitié.

Nous avons discuté de la manière d’organiser notre présence et nos activités dans les monastères en fonction de nos capacités et de nos forces, étant peu nombreux avec de grandes responsabilités et de multiples engagements. En raison de l’importance de notre vocation en ce moment particulier de crise et des besoins des différentes communautés que nous sommes appelés à servir, nous devons savoir discerner les priorités pour savoir de quelle manière orienter nos énergies.

À Deir Mar Moussa, nous avons passé le printemps et l’été à accueillir de nombreux hôtes de différentes régions, femmes et hommes, chrétiens et musulmans, venus vivre avec nous au rythme de la prière et du travail. Leur désir de se rencontrer est fort, chrétiens de diverses confessions et musulmans de diverses confessions, surmontant sciemment ce qui les sépare afin de pouvoir vivre ensemble et partager leurs préoccupations. Certains groupes étrangers qui nous ont également rendu visite nous ont apporté l’espoir d’une normalité encore lointaine. Chacun à sa manière est venu partager ses souvenirs et des soirées spirituelles. L’hospitalité est un engagement et une grande responsabilité, nous souhaitons être toujours prêts et accueillants.

Nous poursuivons avec nos paroissiens les activités de l’École de musique qui offrent aux jeunes la possibilité de passer un temps utile ensemble et de réduire le fardeau des cours scolaires, ouvrant des opportunités de créativité, d’engagement et de croissance, dans un esprit de joie et d’enthousiasme.

La vie au jardin d’enfants « Rawdat al-Qalamoun » bat son plein : beaucoup d’enfants, des enseignants enthousiastes et des parents pleinement satisfaits. Nous avons commencé à en agrandir l’espace, après avoir acheté le terrain adjacent et démoli l’ancien bâtiment préexistant. Nous avons commencé la construction du nouveau bâtiment qui nous permettra de recevoir plus d’enfants et de leur garantir une aire de jeux plus étendue. Une citerne souterraine capable de contenir 30 m3 d’eau a été construite. Nous aurons également un espace supplémentaire dédié aux services paroissiaux.

Quant au projet de restauration du sous-sol de l’église paroissiale de Nebek, nous sommes encore loin de la fin, et nous espérons pouvoir reprendre le travail avec le soutien de quelques amis bienfaiteurs. Il est nécessaire d’utiliser ces environnements pour pouvoir accueillir les groupes de jeunes de diverses paroisses à des coûts très réduits, étant donné les prix de plus en plus élevés de l’hébergement et des transports.

Sœur Houda continue de prendre soin de la communauté, rendant visite à chacun de nos monastères. À l’occasion, elle tient des réunions et donne des témoignages quand c’est possible. Elle vit à Deir Mar Moussa avec sœur Deema. Frère Jihad est actuellement à Cori pour finir sa thèse de doctorat en théologie biblique, participer à des réunions au nom de la Communauté et suivre la restauration de l’église de San Salvatore. Sœur Deema qui travaille à définir le sujet de recherche devra également commencer son doctorat cette année. Elle a été à Deir Maryam al-Adhra à Sulaymaniya, au Kurdistan irakien, pour une période d’aide aux activités. D’autres membres de la Communauté y ont également passé quelque temps, en particulier frère Jacques et sœur Friederike. Sœur Friederike a terminé sa deuxième année d’études à l’Université Pontificale Grégorienne à Rome et a passé une période à Deir Maryam al-Adhra pour soutenir Frère Jens dans le travail et l’hospitalité et pour s’occuper en particulier du projet théâtral. En février, elle retournera à Cori pour un semestre d’études à la Grégorienne. Frère Jacques est le bras droit de frère Jens lorsqu’il n’est pas à l’étranger pour participer à des réunions ou conférences. Frère Jacques a reçu cette année le prix « Colombe d’or pour la paix » en reconnaissance de son engagement au sein de la Communauté pour la paix et pour l’attention accordée aux familles de réfugiés en Europe et en Irak. Il raconte dans son livre « Un moine en otage. La lutte pour la paix d’un prisonnier des djihadistes » la forte expérience de son enlèvement pendant les années de guerre.

Frère Jens poursuit son engagement avec de nombreuses responsabilités à Deir Maryam al-Adhra à Sulaymaniya. Le monastère et ses salles sont toujours bondés de jeunes hommes et femmes qui viennent pour des cours de langue, de théâtre ou des rencontres culturelles et de dialogue. Un grand nombre d’enfants y trouvent les visages souriants de personnes qui jouent avec eux et les encouragent à revenir. Après une absence de huit ans, frère Jens est venu cette année en visite à Mar Moussa. Sa présence pour quelques semaines avant Noël nous rend heureux: il aide sœur Houda à organiser le travail et la formation spirituelle des membres de la Communauté et des personnes résidant au monastère.

Le monastère de San Salvatore à Cori devient de plus en plus une destination de pèlerinage pour les visiteurs qui viennent partager la vie d’hospitalité et de prière avec la communauté. De nombreux réfugiés syriens, poussés par la nostalgie de leur pays, viennent chez nous où ils trouvent écoute et accueil fraternel. Sœur Carol vit à Cori et essaie de concilier sa présence au monastère et l’écriture du doctorat avec la participation à certaines activités au nom de la Communauté. À Cori, des réunions périodiques ont lieu avec nos amis des associations italienne, française et suisse et avec de nombreux autres amis ; parmi celles-ci se trouve la journée « Avec Marie, vivre ensemble en paix » qui a lieu généralement en mai et la semaine des « Portes Ouvertes » durant la dernière semaine d’août. Les participants y viennent à la recherche d’un partage spirituel, motivés par le désir de se connaître et de se rencontrer entre chrétiens et musulmans.

Lors du Chapitre général de septembre, grâce à la prière, au discernement et au partage, la vitalité et l’importance de cette rencontre annuelle ont été confirmées. C’est une pause pour vivre et réfléchir ensemble à la façon de continuer à mener à bien notre mission et à l’appel que le Seigneur nous a adressé à travers la spiritualité de notre fondateur, le Père Paolo. Malgré notre petitesse et nos limites, Dieu nous a accordé la grâce de voir combien notre vocation est précieuse pour l’Église d’aujourd’hui et combien nous sommes chers à Son Cœur. Notre conscience de la miséricorde et de la compassion de Dieu nous aide à poursuivre notre cheminement dans la consécration.

Certes, il n’a pas été facile pour nous de perdre deux membres de la Communauté au cours des deux dernières années. Frère Boutros a entamé un nouveau voyage avec la communauté monastique syriaque de Saint Efrem, au monastère de Sharfeh : nous prions pour lui et lui souhaitons bonne chance. Frère Yaussé poursuit son discernement hors du monastère pour la deuxième année consécutive. Il vit et travaille à Damas avec beaucoup de succès, cherchant à discerner s’il doit retourner au monastère ou continuer son travail dans la vie laïque. Nous l’accompagnons de notre prière afin qu’il puisse comprendre la volonté de Dieu dans sa vie.

Malgré la crise de la vie monastique et le manque de vocations dans l’Église en général, Dieu nous a donné deux candidats : le premier est un jeune de vingt ans qui marche avec nous, prie, travaille et accueille. Ensemble, nous affrontons les difficultés et soulignons l’importance de laisser la vocation mûrir et d’obéir à la volonté de Dieu. Le second est un cardiologue de quarante ans, qui recherche et approfondit la relation entre la guérison physique et spirituelle. Lui aussi essaie de comprendre ce que Dieu attend de lui. Nous vous demandons vos prières pour eux et pour nous tous.

Chers amis,
Notre lettre est plus courte cette année en raison des nombreuses difficultés et des nombreux engagements. Mais même si les nouvelles sont rares, l’amour est grand.

Nous remercions chacun de vous, amis du monde entier, pour votre soutien spirituel, moral et matériel. Nous vous remercions tous pour vos dons, petits ou grands, mais toujours aussi généreux, envoyés directement ou par le biais d’institutions ecclésiastiques ou d’associations qui nous sont liées. Votre générosité nous réconforte et nous regrettons de ne pas pouvoir vous remercier un par un, comme nous aimerions et souhaiterions, en raison des difficultés logistiques et car nous n’avons pas l’adresse de chacun.

Notre espoir est immense : ce bien peut prévaloir chaque fois que nous nous engageons et que nous lui en donnons l’occasion. La paix ne descend pas comme la pluie. Bien qu’il s’agisse d’un don de Dieu, il se réalise à travers l’engagement des cœurs en faveur de la non-violence et la convergence des efforts vers un avenir qui préserve la dignité de chacun, dans le respect de ses particularités culturelles, ethniques et religieuses.

Nous marchons ensemble vers la Lumière qui vient, et ceux qui atteignent l’objectif le font au nom de tous.
Saint Noël et Nouvel An béni.
La Communauté de Mar Moussa
Comment vous pouvez nous aider
1) Pour les dons en France:
Association “Les Amis de Mar Moussa-France”
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Avec reçu fiscal
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Par chèque à l’ordre de l’Association “Les Amis de Mar Moussa-France”
6 Bd Georges Pompidou 26200 Montélimar

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FR33 2004 1000 0168 0445 9G02 090 PSSTFRPPPAR

Pour information : Les besoins sont immenses.
Coût annuel par personne :
 Crèche : 90€
 Ecole de musique : 200€
 Logement étudiant : 550€
 Aide aux malades et suivi : 300€
 Ecole de langues à Souleymanyé : 150€

2) Pour les dons en Suisse:
Association les amis de Mar Moussa
compte postal 12-349594-6
IBAN : CH40 0900 0000 1234 9594 6

Si vous souhaitez envoyer votre offre dans un but précis, veuillez l’indiquer dans la description (par exemple : Mar Moussa / San Salvatore ; Mar Moussa / Sulaymaniya). N’écrivez jamais SYRIE dans le sujet du transfert. Merci.

Si vous informez l’économe de la Communauté, frère Jihad Youssef (fr.jihad.youssef@gmail.com) des dons effectués, nous pourrons accuser réception des virements reçus et vous en remercier.

Pour les communications spéciales liées aux dons, veuillez écrire à:
amicideirmarmusa@gmail.com (en Italie).